Jacques Tati et Sainte-Sévère-sur-Indre : une longue histoire entre l’homme cinéaste et ce lieu de refuge pendant la guerre situé dans un Berry rempli jusqu’alors de sorciers ou de « fades ». En juin 1947, les habitants de Sainte-Sévère eurent la surprise de voir Jacques Tati débarquer avec techniciens, acteurs et matériel de tournage.
Réfugié durant l’occupation dans une ferme de la région, il avait fait la promesse aux villageois de revenir un jour tourner à Sainte Sévère son premier long-métrage. Promesse tenue !
Nul alors n’aurait pu prédire la fabuleuse carrière du film et de l’oeuvre de Jacques Tati, aujourd’hui mondialement reconnu comme un réalisateur majeur du 7e art, dont l’humour économe en paroles traverse les frontières et reste si étonnamment moderne.
Pourtant, à bien y regarder, toute l’oeuvre de Tati est contenue en germe dans ce premier et si brillant essai : en racontant l’histoire d’un facteur un peu stupide que des villageois incitent à faire une tournée « à l’américaine » après avoir vu, dans un cinéma ambulant, un documentaire sur les prodiges d’efficacité des facteurs américains, Tati ébauche la thématique, qui traverse toute son oeuvre, des séductions de la modernité et de la persistance, au coeur de cette modernité, d’un éternel humain.
Le thème sans doute parlait à la France hésitante de l’immédiat après-guerre. Mais il paraît aussi étrangement actuel. Depuis « Jour de Fête » s’expatrie au-delà de nos frontières, cette comédie burlesque qui valut à son auteur, Jacques Tati, l’oscar du meilleur film étranger à Hollywood en 1961.
L’été enchanté
A l’image de la fête foraine qui vient animer la paisible bourgade du film, le tournage de Jour de Fête avait constitué, le temps d’un été, une fête de chaque jour et mobilisé tous les habitants du village, heureux et fiers de participer à cette aventure peu commune.
Le postier, l’instituteur, l’épicière, les gamins du village ont tous apporté leur concours à la réalisation de cette oeuvre collective qui leur fit découvrir le monde magique du cinéma et de la création artistique.
Nombre de villageois apparaissent dans le film comme figurants, voire comme de véritables acteurs, et la plupart ont apporté une contribution, si modeste fût-elle, en facilitant les conditions de tournage, en fournissant des accessoires et en réservant le meilleur accueil à toute l’équipe technique et aux acteurs professionnels.
Un souvenir persistant
Le succès public de Jour de fête puis son triomphe (Prix du meilleur scénario au Festival de Venise en 1949, Grand prix du cinéma français en 1950), ne parvinrent pas pour Tati à faire oublier l’accueil que Sainte-Sévère lui avait réservé. Et le cinéaste revint souvent, jusqu’à la fin de sa vie, rendre visite aux habitants de Sainte-Sévère-sur-Indre.
De leur côté, les habitants de Sainte-Sévère-sur-Indre n’ont jamais oublié l’événement. Et la mort de Tati, en 1982, n’a rien changé à la relation privilégiée que le village tout entier entretient avec lui. Toujours aujourd’hui, la mémoire du tournage se perpétue à Sainte-Sévère-sur-Indre et si les témoins survivants du tournage se font plus rares, la passion semble avoir contaminé aussi les plus jeunes générations.